Elles investissent de plus en plus les professions vinicoles, quelle place, quel avenir pour les femmes ?

Juin 2023

(Lecture 4 min)

 

Depuis plusieurs années le 8 mars, on a pris l’habitude de célébrer la journée internationale des droits des femmes. Le sujet fait le buzz 8 heures durant puis disparait des radars pour 12 mois ... Mais pour nous, la place des femmes dans le secteur viticole mérite bien plus qu’une journée thématique tant le secteur a longtemps été dédié au monde masculin.

Bien sûr il s’est depuis les années 70 petit à petit ouvert aux femmes et notamment grâce à l’action de pionnières comme par exemple Francine Grill, aujourd’hui âgée de 87 ans. Cette ancienne hôtesse de l’air avait appris le vin sur le tard. Grâce à la confiance de son mari, héritier du Château de l’Engarran, qui produit notamment des grés-de-montpellier, elle a repris le domaine et a su s’imposer pour bien plus tard être récompensée par une médaille d’or au Concours général agricole.

L’évolution du secteur viticole est en marche. Chez Ixarys Vignes d’avenir nous la vivons au travers de nos échanges avec nos clients ; les profils changent, apportant une nouvelle richesse dans nos relations professionnelles et une complémentarité dans les équipes. Aussi revenir sur les étapes franchies, le rôle des femmes dans ce secteur et leurs nouvelles responsabilités, nous semblait intéressant à partager à une période de l’année où la pression s’atténue.

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Une histoire lointaine ?

Non, c’était il y a moins de 20 ans, à peine une génération ! Les noms des métiers étaient prononcés au masculin : négociant, sommelier, maître de chai, vigneron, etc. et on pouvait apercevoir des panneaux « interdits aux dames » à l’entrée de certains domaines. Si les femmes étaient certes présentes depuis longtemps, c’était comme petites mains. Rares étaient celles qui à qui l’on confiait des responsabilités.

Pour celles qui y accédaient, elles restaient un acteur de l’ombre. Car en réalité, les exploitations viticoles se sont longtemps gérées en binôme. Dans les petites structures, les femmes étaient aussi le bras droit pour la comptabilité, la vente, l’accueil des clients. Mais n’intervenaient que très rarement dans l’élaboration du vin

« Il régnait un discours condescendant sur la dureté du travail, qui est réelle, rapporte Ségolène Lefèvre, auteur du livre Les Femmes et l’amour du vin (éditions Féret, 2009). C’était surtout le pré carré des hommes. Les femmes participaient aux vendanges, c’est tout » et à la fois ce n’était pas rien, tant le métier est usant … « Il est dur de travailler toute la journée dans les vignes : tendinites aux poignets, mal de dos récurrents, blessures aux genoux… Ces gestes répétés mettent l’accent sur l’usure du corps de la femme. » rapporte une exploitante.

Le métier hier encore nécessitait c’est vrai de grandes capacités musculaires pour porter le matériel lourd. Mais cela a très vite évolué : le matériel étant plus léger, la mécanisation venant au secours de la pénibilité.

En un quart de siècle, les femmes ont pris leur revanche. Aujourd’hui, un tiers des exploitants viticoles français sont des femmes. Elles gèrent des domaines viticoles, des caves, la communication des châteaux. La filière viticole s’est féminisée sans équivalent dans le monde professionnel français.

  • Sens de l’organisation et sensibilité. Elles sont nombreuses à mentionner que leur sensibilité et leur sens de l’organisation sont de véritables atouts. Il en est de même pour la production du vin, leur sensibilité se ressent à travers leur vinification et permet ainsi au domaine d’exploiter de nouvelles saveurs.
  • Travailler doublement Quand on leur pose la question « A vos yeux quels sont les inconvénients d’être une femme dans ce métier elles déclarent aucun ! mis à part le fait qu’il faille tout connaître sur le bout des doigts car les femmes sont plus attendues au tournant par les hommes sur les questions techniques, par exemple.»

Véronique Sanders, directrice de château Haut-Bailly confirme ! : « je devais travailler doublement pour me faire accepter. Puis, un jour, au bout de trois ans, on m’a demandé mon avis et je me suis inscrite dans la durée. C’est dans les aspects techniques qu’il faut savoir gagner des galons en tant que femme. »

  • L’Etat, un retard inavoué. La plus grande contrainte d’être une femme dans ce milieu n’était pas le regard des collègues mais celui de l’État qui ne reconnaît pas encore totalement les femmes en tant que femme exploitante mais davantage en tant que femme d’exploitant ou aide familiale. Cela s’améliore depuis 2019 où les congés maternité pour les femmes exploitantes ont évolué.
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Une transformation en marche

 

  • Formation et parité. « Les femmes ont pu gagner leur place grâce aux diplômes, gages de compétence. » Ségolène Lefèvre, auteur des Femmes et l’amour du vin L’équilibre se joue donc d’abord pendant les études.

À l’Université du vin de Suze-la-Rousse, dans la Drôme, la directrice des lieux, Géraldine Gossot : « Aujourd’hui, nous formons à parité nos œnologues. Dans la formation de viti-œno, elles sont 45 % alors qu’il y a quinze ans elles étaient 30 %.  Dans les formations de sommelier, elles étaient moins de 20 % en 1983 alors qu’elles représentent la moitié des étudiants aujourd’hui. »

Les chiffres sont identiques dans les autres écoles. La moitié des diplômés français en œnologie et en sommellerie de 2018 sont des femmes.

Véronique Maurel, Co-Fondatrice et Directrice Générale d’IXARYS, Vignes d’avenir fait partie de ces femmes qui ont relevé le défi de percer dans ce secteur à l’époque majoritairement réservé aux hommes, « parce que la vigne était une passion, et que je me retrouvais dans les valeurs de ceux qui la cultive… ».

Dans la production de vin elle-même, la proportion est inférieure, mais surprend par son évolution.Selon le ministère de l’agriculture, 28 % des chefs d’exploitations viti-vinicoles sont des femmes. Deux fois plus qu’en 1988 et un peu plus que la moyenne nationale tous secteurs confondus, puisqu’elles ne représentent qu’un quart des chefs d’entreprise en France. La proportion atteint même 37 % parmi les viticulteurs de 60 ans et plus : les femmes succèdent souvent à leur conjoint lorsqu’il prend sa retraite.

  • Les filières s’ouvrent.  À l’époque, les pionnières accueillaient des apprenties et stagiaires féminines au sein de leurs domaines viticoles, rejetées par d’autres, et représentant seulement 5% des débouchés dans la viticulture. Pour les autres femmes l’orientation ne pouvait se faire que dans la filière en commerce des vins.

Aujourd’hui, elles sont plus de 20% à suivre une formation vigne et sont acceptées dans les domaines viticoles.

  • Une histoire de transmission.  Elles ont souvent fait une première carrière dans le secteur privé et ont fini par rejoindre le domaine viticole familial pour faire perdurer l’activité et succéder à leurs parents.

Thérèse Besancenot, du domaine Besancenot fait partie de la sixième génération à reprendre le domaine viticole familial situé en Bourgogne avec son frère. Au départ, elle travaillait dans le secteur bancaire. Elle est revenue sur l’exploitation familiale en 2006 afin d’aider son frère autant pour l’administratif que pour le commerce, place réservée aux femmes ….

Puis, elle est tombée amoureuse du vin, de cette manière de transformer le raisin pour en faire un produit qui lui ressemble. Au-delà de la mission de Maîtresse de chai qu’on lui a confiée, elle a appris à prendre soin des vignes et a trouvé son bonheur lorsqu’elle a pu les voir grandir et ainsi récolter le fruit de son travail.  

Pour Amélie Neau Houmeau du Domaine de Nerleux, fille unique il était inconcevable pour elle de ne pas reprendre le domaine viticole familial : le Domaine de Nerleux. Sa famille l’a pourtant poussé à découvrir d’autres métiers en faisant des études :  5 ans d’études en ressources humaines puis 10 ans d’expérience bancaire, et comme une évidence, elle et sa famille ont finalement envisagé un retour au domaine. 

Elle a alors décidé de se professionnaliser en suivant une formation viti-oeno pour adultes et a fait ses armes en tant que stagiaire dans des domaines viticoles autres que le domaine familial. La passation s’est ensuite faite assez naturellement avec son père, depuis peu retraité et très heureux ! neuvième génération d’une famille vigneronne !!!!

Au-delà de ces belles histoires il est un fait, les femmes ont rapidement trouvé leur place dans un secteur longtemps resté très masculin. Si hier elles faisaient l’objet de moqueries, aujourd’hui, les commentaires désagréables sont rares. Les femmes sont de plus nombreuses dans les formations de sommellerie, du commerce du vin, ou de viticulture et d’œnologie où elles apportent beaucoup de valeur ajoutée. De plus en plus ont des postes à responsabilité dans les exploitations viticoles. Les femmes en prennent aussi souvent les rênes, en se faisant de plus en plus vite accepter et respecter par le personnel.

Les choses ont tendance à bouger très vite depuis quelques années car y a énormément de départs à la retraite, le secteur rajeunit, les jeunes investissent le monde vini-viticole, femmes et hommes se partagent la direction des exploitations viticoles, amenant un air de modernité. 

Patrick Hyppolite co-fondateur et Président d’IXARYS Vignes d’avenir, a vu ces 3 dernières années une montée en puissance de la digitalisation des exploitations viticoles avec notamment l’arrivée de cette nouvelle génération connectée.

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Avec des solutions métier complètes comme la suite commerciale d’IXARYS regroupant, TRACING GEST, TRACING CAISSE, TRACING STATS et TRACING PRODla gestion et la commercialisation sont facilitées, ces outils trouvent leur place dans ces nouvelles organisations bien maîtrisées.

Notons aussi que la fonction de Maître de chai est de plus en plus occupée par des femmes qui n’hésitent pas à s’appuyer là aussi sur des solutions digitales pour suivre la vinification et l’élevage des vins.  « TRACING CUVE, TRACING PHYTO et TRACING AUDIT en vue de la certification des domaines sont appréciés par nos clientes » rapporte Patrick Hyppolite.

« Elles font bouger le vin »

La féminisation de la filière vin apporte beaucoup au secteur : nouvelles méthodes de travail, management des équipes revisité, autre vision du métier, sensibilité différente…Face aux nouveaux enjeux du secteur viticole, de nouvelles compétences, qualités et talents sont nécessaires, alors la complémentarité femme- homme est un atout pour y faire face. Quand l’union fait la force ….